Nelly Monnier

Basse Marche, 2019
de la serie Braconnages
Huile sur toile, 116 x 81 cm

Variétés françaises
, 2019
10 gouaches sur papier Fedrigoni, 60 x 42 cm
(extrait)
Technique et sentimentalisme
Série de gouaches sur papier, 30 x 40 cm (extrait)
Collections FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine
© N. Monnier
Nelly Monnier Focus2






















Le parcours de Nelly Monnier a moins de dix ans mais est déjà riche de nombreuses expériences. Nous avons commencé à enregistrer sa démarche par l’achat de gouaches sur papier, « Technique et sentimentalisme », puis récemment, d’un grand format à l’huile sur toile, « Basse Marche », et d’une série de gouaches intitulée « Variétés françaises ».

Née en 1988 à Bourg-en-Bresse, elle passe son enfance et son adolescence dans l’Ain, où elle se passionne pour la littérature et le cinéma. Elle se forme ensuite à l’Ecole des Beaux-Arts de Lyon dont elle sort diplômée en 2012. Elle se souvient des cours particulièrement denses de Jérôme Mauche sur la littérature, des discussions passionnées sur la peinture avec Philippe Mayaux et sur la photographie, sa technique et ses spécificités et des thèmes autres, écologie, politique, avec Philippe Durand. Dès sa sortie de l’Ecole, elle prend part à des expositions collectives au Creux de l’Enfer (Thiers) et à l’IAC (Villeurbanne). Je garde le souvenir précis de ses premiers tableaux de paysages de montagne habités d’immeubles modernes dont les formes minérales et architecturales étaient très contrastées, dans leur lumière et dans leur picturalité. Egalement d’une série de gouaches de terrains de paint-ball et autres non-lieux périurbains saisis par l’huile ou la gouache dans des zones désolées peu identifiables. Dès cette époque, elle exposait des peintures sur bois (ou medium) ou sur papier, associées à des dessins et des textes. Judicaël Lavrador remarque « l’évanescence du paysage romantique en tant que genre pictural »(1) qui semble caractériser les productions de la toute jeune artiste à l’époque.

Entre 2015 et 2017, elle produit une série de gouaches sur papier intitulée « Technique et sentimentalisme ». Toutes de même format, ces gouaches reprennent le thème éternel du paysage pittoresque en même temps qu’elles décrivent des parcours de points: course d’alpinisme, tracé de slalom, constellation d’étoiles. Comme à égalité sur le papier, la description du paysage et son appropriation, son usage, sa domestication… sont traités avec la même intensité, tout comme indiqué dans le titre de la série. Ce qui pourrait apparaître comme une sorte d’oxymore visuel, entre raison et affect, constitue un champ d’exploration fondateur.

Les aventures de la jeune artiste la conduisent vers des expositions collectives variées, des résidences et de nombreuses collaborations, avec Hélène Paris, Gaëlle Delort et Eric Tabuchi. Pour l’exposition « Distopark », (Le Confort Moderne, 2014) elle collabore avec Tabuchi par un ensemble de gouaches, de maquettes d’architecture et de photographies retouchées. A partir de cette date, les collaborations avec Eric Tabuchi, itinéraires et voyages d’exploration pour le projet « Atlas des Régions Naturelles » (ARN) (2) seront réguliers, parfois ponctués de résidences et d’expositions personnelles.
Une des plus récente eut lieu en 2019 à l’Ecole d’Art de Belfort sous l’égide du 19, CRAC de Montbéliard. Invitée en résidence pour une période assez longue, l’artiste eut le loisir de s’immerger dans la Région Naturelle alentour pour présenter l’exposition « la République des champs » où elle confrontait différents types d’œuvres – huiles sur toile, gouaches sur papier et écussons imaginés à partir de détails prélevés lors de ses pérégrinations. Dans le communiqué de presse de l’exposition, l’envergure de la démarche est posée :
«Le travail pictural de Nelly Monnier commence en voyage avant de se composer à l’atelier. Les échantillons qui lui servent à peindre sont extraits des paysages visités. Décoratifs ou utilitaires, ayant une ambition artistique, rituelle ou signalétique, les objets et motifs de la collection photographique qu’elle mène depuis quelques années s’inscrivent dans une déclinaison populaire de l’idée du beau et de l’utile en manifestant, par la forme et la couleur, un désir de singularisation et d’embellissement. »(3).
Un peu plus loin, on remarque comment l’artiste déhiérarchise les différents genres de sa pratique pour les associer en ensembles particulièrement évocateurs : « Les ensembles de toiles qui en résultent immergent le visiteur dans un sentiment …, dans une couleur ou un matériau, ou encore dans une saison… »(4).

Le beau format intitulé « Basse-Marche » prolonge la récente série intitulée « Braconnage » que l’artiste décrit comme «l’emprunt sauvage de formes et de teintes dans les campagnes françaises ». Plus loin, elle précise : « chaque peinture porte le nom d’une région naturelle – ici, la Basse marche – elle représente une ou plusieurs espèces végétales caractéristiques de cette aire géographique à partir de dessins numériques effectués in situ» (5).
Ici, la végétation n’est pas dépeinte de façon naturaliste mais tend au contraire à l’abstraction par la simplification du dessin et l’utilisation d’un nuancier de teintes opaques qui aplatissent le sujet à l’avant du tableau. A partir de dessins digitaux réalisés in situ sur l’écran de sa tablette, l’artiste reprend à l’atelier en grand format ses esquisses pour les déployer verticalement, selon un axe peu utilisé pour le paysage. L’exemple de David Hockney vient à l’esprit. Depuis l’apparition de l’I-Phone en 2007, puis de l’I-Pad en 2010, Hockney a commencé à utiliser leurs nouvelles capacités graphiques(6). Les tablettes numériques mobiles permettent un retour à la gestuelle spontanée de la main, au dessin en couleurs sur le motif. Les dessins de paysages exécutés sur le motif sont ensuite tirés sur papier parfois en très grand format. Les recherches de Nelly Monnier sont différentes car elle ramène ses esquisses à l’atelier et prend le temps long de la peinture à l’huile pour leur retranscription. Sur les murs de l’atelier ou en exposition, elle associe souvent ces grands formats à l’huile à de petits tableaux géométriques très précis conçus à partir de détails d’ornements d’architecture. Par l’association de détails sensibles de nature et de tableaux-signaux géométriques, l’artiste invite le spectateur à focaliser plus ou moins son attention. Les peintures de végétation dialoguent avec les tableaux-signaux côte à côte, « tout comme le font les signes qui s’intercalent dans un paysage que l’on traverse »(7).

En parallèle, l’artiste recense des détails ornementaux remarqués lors de ses itinérances et les transcrit à la gouache sur papier dans des planches organisées par thèmes ou par motifs. C’est le ressort principal de la série de gouaches intitulée « Variétés françaises » (2019) qui s’apparente à une encyclopédie. Chaque planche est organisée par famille de structures ou d’objets : sapins de Noël, portails et éléments de clôture, variations topiaires, fragments d’arbres sculptés, assemblages rustiques, etc… la proximité des échantillons permet la comparaison.

La production régulière d’écussons brodés mérite également d’être mentionnée. Par ce « produit dérivé » modeste et bon marché, l’artiste se positionne en designer graphique. Les motifs sont réduits et doivent être encore plus efficaces que dans les tableaux abstraits. On peut comprendre ces écussons comme la troisième étape d’un processus de réduction. Depuis les grands formats de détails de végétation, puis les tableaux signaux géométriques, la miniaturisation des formes des écussons apparaît comme un changement d’échelle du motif au profit de sa diffusion. Chaque écusson dont le prix de vente est modeste – beaucoup sont épuisés - a la capacité de fédérer ses différents acquéreurs en un groupe imaginaire relié par un motif. Les légendes des différents écussons produits par l’artiste méritent également la lecture. Ce sont de véritables petits poèmes en prose.

Pour être complet dans les différentes pratiques de Nelly Monnier, ajoutons la publication de textes qui racontent des voyages quotidiens, récits croisés aux accents oniriques. Signalons le recueil de poèmes « Parpaing Chagrin » (2018), « Tremplin » (2015) qui raconte l’aménagement d’un terril en piste de ski et lac artificiel, ou encore « Conie Molitard » (2017) petit village d’Eure et Loir transformé par l’artiste « en personnage de quarante ans qui se couche tôt, fait broder en Chine des écussons aux noms des hameaux du coin et promène son fils sur les routes beauceronnes à la recherche de maisons-visages »(8).

Les différentes activités de Nelly Monnier sont autant de cordes à un arc qu’elle manipule avec sensibilité, dextérité et clairvoyance, pour assembler sous nos yeux de subtils fragments de paysages et nous les faire partager. 

Yannik Miloux, janvier 2021.

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