2018 - Chapelle Saint Libéral Brive, Imaginaires collectifs

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Chapelle Saint Libéral

Rue de Corrèze, Brive

Vernissage jeudi 17 mai 2018 à 18h

Exposition du 17 mai au 17 juin 2018

General IdeaGeneral Idea, Test Pattern TV, Dinner Plat, 1988 / Porcelaine et carton / Boîte : 24,5 x 31 x 28 cm / Plat : 22,5 x 30 x 1,5 cm / Collection FRAC Limousin / © General Idea.

Avec les oeuvres de  : Coopérative des Malassis, General Idea, Hippolyte Hentgen,La galerie du cartable, Jean-Philippe Lemée et Gilles Mahé, Taroop & Glabel.
Œuvres des collections du FRAC-Artothèque Limousin Nouvelle-Aquitaine.

Pour cette exposition à la Chapelle Saint Libéral, des œuvres de différents collectifs d’artistes, d’hier et d’aujourd’hui, sont présentées.
Le regroupement d’artistes n’est pas en soi une nouveauté, surtout si l’on pense à l’histoire des avant-gardes qui jalonne le XXème siècle. Au sein de mouvements qui voulaient faire table rase du passé, les artistes ont souvent signé des manifestes et autres déclarations d’intention plus ou moins tonitruantes pour faire cause commune et s’unir pour exister publiquement, médiatiquement dirait-on aujourd’hui. Que l’on pense également à cette technique utilisée par les surréalistes, le cadavre exquis, qui en plus de permettre souvent de grandes surprises formelles, remettait en cause la position de l’artiste comme auteur unique.

Durant les années 70, la Coopérative des Malassis, du nom d’un quartier de Bagnolet où travaille ce collectif de peintres, élabore collectivement une peinture figurative et politique contre la société matérialiste et sage de l’époque. Actifs de 1968 à 1981, Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré, Gérard Tisserand et Christian Zeimert, sapent l’idée romantique de l’artiste solitaire et luttent contre la marchandisation de l’art, préférant par exemple louer leurs œuvres plutôt que les vendre. La série de six sérigraphies, « L’envers du billet », réalisée en 1970, est un bel exemple de cet état d’esprit, chacun des protagonistes proposant sa contribution à ce qui s’apparente à un jeu collectif à la fois espiègle et cependant très sérieux.

Formé par AA Bronson (né en 1946), Jorge Zontal (1944-1994) et Felix Partz (1945-1994), le collectif canadien General Idea a produit l’une des œuvres les plus marquantes des années 1970 et 1980. Lecteurs attentifs des théories de la communication de Marshal Mac Luhan et des Mythologies de Roland Barthes, les trois artistes jouent de la critique et des stratégies qui lient l’art au commerce en éditant de nombreux « produits dérivés ». Le tableau présenté, « Leather and Denim, Copyright n°5 » (1987) est emblématique de leur démarche dans le sens où le tableau est ici assimilé à un accessoire de mode – jean troué et surpiqué, comme un pantalon, et motif en cuir – dont le motif principal est le logo du droit d’auteur « fétichisé » comme une marque. En 1988 et 1989, à l’occasion d’une exposition au Japon, le collectif édite un plateau télé en porcelaine et un papier peint aux couleurs de l’écran cathodique pour souligner l’omniprésence de la télévision dans notre vie quotidienne.

Au cours de sa vie trépidante, Gilles Mahé (1943-1999) entreprit de très nombreux projets où il joua toujours le rôle de catalyseur pour laisser la place aux autres. Comme le résume très bien Isabelle Rocton, « l’activité commerciale de Gilles Mahé est à la fois l’origine et la constance de son autonomie vis-à-vis du marché de l’art »(1). Parmi ses nombreuses activités, l’artiste créa en 1994 avec Jean-Philippe Lemée l’association « Nous Cherchons Des Gens Qui Aiment Dessiner », une école de dessin par correspondance qui connut un grand succès international. Les élèves recevaient des énoncés et renvoyaient leurs travaux à une équipe de professeurs. Les dessins étaient sélectionnés puis édités sous la forme d’une affiche qu’ils recevaient avec l’énoncé suivant. Et ainsi de suite…
L’ensemble des affiches produites entre 1994 et 1997 et les éléments de communication de cette école de dessin sont présentés.

« Fondé au début des années 1990, le collectif Taroop & Glabel propose une lecture caustique des valeurs et mythes modernes qui régissent nos sociétés occidentales. La religion, les médias, le divertissement, l’art … sont les cibles privilégiées de Taroop & Glabel dont l’abondante production est essentiellement composée de textes « pour mégaphone », de textes en vénalyne sur contreplaqué, de dessins, de sérigraphies, d’assemblages et de découpages-collages »(2). Ce résumé ne précise pas que le collectif est à géométrie variable, et qu’il ne souhaite pas communiquer de renseignements biographiques. En plus d’une série de collages intitulée « Colligrammes » où les artistes reprennent un procédé dadaïste (3) pour faire s’entrechoquer des morceaux de phrases découpés dans des journaux, un assemblage typique de leur production est présenté. L’œuvre intitulée « Les rêves de Fourier » est constituée d’une vénalyne - un agrandissement réalisé manuellement avec de l’adhésif découpé sur un panneau de contreplaqué - appuyée contre le mur au pied de laquelle gît un bouquet de fleurs artificielles. La reprise du texte de la pierre tombale de Charles Fourier, théoricien des utopies socialistes, et sa position redressée contre le mur, constitue autant une forme d’hommage qu’un constat d’échec inéluctable.

La Galerie du cartable est un collectif d’artistes constitué à la fin des années 1990. Leur culture cinématographique les a conduits à tenter de nombreuses expériences de diffusion de films dans des circonstances diverses et variées. L’utilisation d’un cartable dorsal ingénieusement équipé d’un système de projection – d’où le nom du collectif – leur a permis de montrer des films dans des contextes souvent inattendus. L’œuvre présentée, « Tous les chemins passent par Othon », réalisé entre 2000 et 2004, est un film-synthèse de ces différentes traversées. Son sous-titre, « Réintroduction d’un film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet dans des ambiances du quotidien » (3), montre l’intention des artistes d’actualiser le projet « paradoxal » de Straub & Huillet.

« Hippolyte/Hentgen est un duo d’artistes. Il est composé de Gaëlle Hippolyte et Lina Hentgen, respectivement nées en 1977 et 1980. Elles vivent et travaillent à Paris. En 2007 elles se rencontrent et s’amusent de quelques dessins à quatre mains. De cette complicité va naître Hippolyte Hentgen »(4). C’est ainsi qu’Hippolyte/Hentgen se présente sur son site internet. En systématisant le principe du travail à quatre mains, le duo d’artistes s’affranchit de tous les styles et de tous les codes graphiques avec une audace souvent débridée. Les rapprochements incongrus d’images sont le quotidien de ce tandem qui s’aventure parfois jusqu’à la mise en scène et à l’assemblage d’objets. Leurs noms accolés sont (presque) une marque souvent corrosive qui rejoue, en pleine lumière, les surprises des cadavres exquis surréalistes.

Notes :
(1) Isabelle Rocton in catalogue « Fonds régional d’art contemporain Limousin 1996-2006 troisième époque », p. 120
(2) Texte de présentation du livre « Textes de Taroop & Glabel » (2012) sur le site des éditions des Presses du réel.
(3) « Othon », le premier film réalisé en couleurs en 1969 par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, est une comédie classique de Corneille interprétée par des comédiens amateurs en toge dans les ruines antiques de Rome régulièrement parasitée par le brouhaha de la ville.
(4) Site internet des artistes : hippolytehentgentumblr.com